Babel, le livre de base
Maintenant que le début de gamme de Babel est disponible en boutiques, physiques et en ligne, on va pouvoir détailler chaque élément de celle-ci. On commence, à tout seigneur, tout honneur, par l’indispensable livre de base, sobrement appelé Babel.
D’un point de vue matériel, le livre de base de Babel est au format C5 (16 cm x 23 cm), devenu standard chez les XII Singes. Il a fière allure grâce aux améliorations arrachées de haut lutte durant le foulancement : couverture rigide, vernis sélectif, le « fameux » signet en tissu (soupir)… bref, la classe. Le tout mis en beauté par Christophe Swal dont l’illustration de couvrante me semble bien résumer l’esprit du jeu en montrant de futurs PJ en situation de franchir une Porte.
Niveau contenu, on s’est finalement arrêté sur une pagination de 284 pages, un bon compromis car le livre apparaît déjà comme une bonne pavasse (je n’aurais pas dit, en fait) et cela permet tout de même de garder une bonne exhaustivité, ce qui était un de mes impératifs. J’ai vraiment souffert, à l’époque de la parution de Terra Incognita, à une époque pré-foulancement (incroyab’, les livres sortaient au fur et à mesure en boutiques ^^) de voir les règles du jeu être éparpillées façon puzzle dans les différents livres de la gamme. Là, je voulais un vrai stand alone. En revanche, comme on va le voir, on a dû se contenter d’un seul scénario. Là où j’en rêvais deux ou trois.
Le 1er chapitre, d’une petite vingtaine de pages, s’intitule « Tous les récits du monde » et s’applique à décrire la proposition de jeu. Je me permets de penser que celle-ci est suffisamment originale et inhabituelle pour justifier cette section qui, sans doute, aurait pu être allégée si Babel était un dungeonverse ou un jeu de zombis. Là, au contraire, en plus des traditionnels « qu’est-ce qu’on joue ? », « quel est le scénario-type du jeu ? », etc., j’ai enchaîné avec un glossaire qui fait un peu Mots Très Importants Avec Des Majuscules mais qui, à l’usage, s’avère pratique pour se repérer dans le reste du livre entre Princeps, Cercles, Focus, etc.
Le chapitre suivant, « Devenir Biblionaute » contient l’essentiel des règles, en tout cas celles qui sont utilisables directement par les joueurs. Seul ce qui concerne les Portes et les mondes de livres se trouvent dans les sections suivantes, plutôt réservées au MJ.
Elle s’ouvre par le système de création du Cercle commun aux joueurs, méta-PJ devenu très courant dans de nombreux JdR. Celui-ci a l’originalité, de fournir aux PJ qui se le partagent un pouvoir unique qui fait déjà basculer le jeu dans le réalisme magique. Par exemple, les personnages, même éloignés de centaines de km, peuvent communiquer entre eux grâce aux pages du livre fétiche de leur Cercle commun. La création du Cercle se déroule en autorité partagée : les joueurs ont donc leur mot à dire sur ce que va être le Cercle qui leur servira à l’occasion de chausse-pied pour rentrer dans l’aventure. Ce n’est toutefois pas une étape très longue : ce n’est pas quand même comme si on créait tout un monde ou un continent comme dans certains jeux ! Au pire, certains MJ et/ou tablées aiment autant que le Cercle soit créé en amont par le MJ : chacun fait bien comme il veut ou comme il peut (si le temps fait défaut).
La deuxième sous-partie est la création du personnage cette fois-ci. Elle est très clairement inspirée des jeux « à playbooks ». Elle consiste essentiellement à choisir un type de Biblionaute puis, par un système de choix, le plus souvent en listes fermées, de construire son personnage avec un minimum de temps et en recevant un maximum d’infos. Par exemple, le Chasseur de livres va obtenir (avec une importance relative, à choisir à la création en les hiérarchisant) les Traits : Collationnement / Négociations / A l’aise dans les ombres. Ensuite, il va affiner son profil avec une sorte de sous-catégorie qui, là aussi, va définir des Traits : par exemple, je prends le profil Puits de science (mon Chasseur de livres est plutôt du genre cérébral) et cela me donne, par exemple toujours, le Trait Monsieur-je-sais-tout. Encore ensuite, on s’attaque à des questions plus ouvertes qui vont vous conduire à imaginer le parcours ou la personnalité de votre perso. Par exemple, toujours pour le Chasseur de livres, on peut avoir : « Parfois, tu dois faire face à des clients mécontents prêts à en venir aux mains. Comment fais-tu alors face ? ». S’en suivent quelques propositions. Le joueur choisit une réponse ou en invente une hors proposition et en fait un Trait. C’est ce qu’il y a de plus « free form » dans toute la création de PJ. Au final, plus qu’une feuille de perso, le joueur se retrouve avec tout un ensemble de petites feuilles avec des Traits écrits dessus.
A noter que vous ne trouverez pas de version « livrets physiques » des playbooks : cela a été étudié mais s’est avéré trop cher. Il faut donc se contenter de les trouver à la suite les uns des autres dans le livre de base. Il y a 10 types de Biblionautes, ce qui à raison de 4 pages pour chaque représente une pagination importante du volume. C’est aussi la section la plus illustrée : chaque type de Biblionaute bénéficie en effet d’une illustration couleurs signée Christophe Swal.
Viennent ensuite les règles elles-mêmes. Je n’entre pas ici dans leurs détails : elle mériterait sans doute un article à elles. Rappelons simplement qu’elles se basent sur un système de Traits (voir ci-dessus) et reposent sur un principe inspiré des jeux de société dits « legacy » : les feuilles portant les Traits peuvent changer d’état en retournant la feuille, en la chiffonnant, la déchiffonnant, la déchirant même, etc. au gré des usages plus ou moins raisonnables des Traits saillants du personnage. Cela n’exclut pas les dés : on lance en effet des D10 et les Traits viennent le cas échéant en modifier les résultats.
Un mot en revanche de la présentation : j’ai beaucoup insisté pour avoir quelque chose s’inspirant du TechNoir proposé en VF chez Chibi par John Grümph (j’ignore si la VO avait le même format) : une page de règles fait face à une page entière d’exemple(s) illustrant ce point. J’avais trouvé cela redoutablement efficace, surtout pour un système de jeu un peu inhabituel. Notre maquettiste, Sébastien Lhotel, a parfaitement su rendre cela : merci à lui. Largement gonflées par ces pages d’exemples (près de 50 % du total donc !) pèsent un peu moins de 50 pages : c’est pas Shadowrun non plus.
Le troisième chapitre continue les règles mais, intitulé « De l’autre côté des livres », il ‘intéresse à toute la « magie » de l’univers du jeu : franchir les Portes, survivre dans un monde de livre, y faire des trucs magiques et réussir à ressortir à temps. En ce qui concerne ce dernier point, la source d’inspiration est tout simplement les escape game : plutôt que de temps réel, peu propice au jeu de rôle sur table, on joue avec une quantité finie, l’Autorité, qui justifie que les PJ soient dans l’intérieur du monde de livre de quelqu’un d’autre (l’Auteur, donc). Le problème est que cette Autorité s’amenuise au fur et à mesure de leur périple magique et qu’il faut donc savoir quand ressortir avant qu’il ne soit trop tard. Oui, comme à Fort Boyard ^^.
Le reste de cette section est consacrée au principe des réécritures à l’intérieur des mondes de livres : en usant de leur Autorité, les Biblionautes peuvent le repeindre du sol au plafond en déclenchant toutes sortes d’effets magiques parfois très puissants. Ici, la source d’inspiration est très clairement La méthode du Dr Chestel, grand jeu du patrimoine francophone s’il en est. A la différence de celui-ci, même si le principe reste free form (on peut techniquement tout imaginer) il m’a semblé préférable de suggérer des réécritures « clefs en main » aux joueurs : elles sont listées dans cette section.
Le chapitre suivant, « Le Grand Livre », est le chapitre de background à l’usage du MJ. Classiquement, il donne des éléments pour décrire les livres, la Bibliothèque, les Archivistes de celle-ci, les différents Cercles de Bibliophiles, les spectres qui peuvent hanter la Bibliothèque, etc.
Cela prend souvent une forme assez classique, parfois cela suit mes propres marottes. Ainsi, vous trouverez une section FAQ qui donne des conseils et répond aux principales questions que l’on peut se poser devant la proposition de jeu. Je trouve ce principe (déjà utilisé dans Terra Incognita) le plus simple et le moins dispendieux en place pour les incontournables conseils de maîtrise. On retrouve aussi beaucoup de tables aléatoires, notamment pour générer des livres particuliers, des rayonnages de la Bibliothèque, etc. Enfin, les Archivistes (les gardiens de la Bibliothèque, en somme) sont « customisables » en les incluant dans un réseau de relations entre eux et avec les PJ selon les volontés du MJ et, éventuellement, le recours à aléatoire : ainsi, chaque réseau d’Archivistes sera spécifique à votre campagne.
Comme regretté plus haut, le jeu se termine par un unique scénario. J’en espérais deux voire trois pour démontrer plus largement ce qu’il est possible de faire avec le jeu dès le livre de base mais j’ai dû être raisonnable face à l’inflation des pages des sections précédentes. Il faudra donc se reporter aux suppléments, comme Fables ou le livret de l’écran.
Il est amusant de constater que le scénario finalement retenu est… le premier rédigé, il y a des années, pour le jeu. Enfin, pas tout à fait. A l’origine, comme d’autres scénarios écrits précocement pour le jeu (avant d’être dans un véritable processus éditorial), l’histoire, de type roman noir, se déroulait dans un roman de Raymond Chandler. Pour des raisons de droits, il a été jugé préférable par les XII Singes d' »anonymer » ce monde de livre en créant un auteur et un roman fictifs, simplement « inspirés de ». Il doit être possible d’effectuer la démarche inverse avant de le faire jouer. Cela dit, à titre personnel, cela ne me dérange pas plus que cela : le thème de la littérature fictive m’a toujours fasciné et est, très largement, à l’origine de mon envie d’écrire Babel.